La chronique de Claire Palama :
L’engagement et la génération Z
Le rapport à l’engagement de la génération Z a changé, à l’image de la société dans laquelle cette génération est née et a grandi. Chaque génération adopte une posture particulière et impose une nouvelle vision du monde du travail.
Comme le disait George Orwell, « chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante ».
Si les études se multiplient sur le sujet, elles se contredisent aussi bien souvent.
Nous le savons, dans le cadre d’étude, l’orientation donnée aux questions conditionne la tonalité de la recherche mais aussi les réponses apportées par les participants.
Nous avons alors recoupé plusieurs sources d’études avec nos propres retours terrain et arrivons finalement à une conclusion assez nuancée : la génération Z, comme toutes les générations précédentes, envisage l’arrivée dans la vie active avec l’envie de « faire changer les choses », tout en ayant conscience des difficultés incontournables et semble prête à les accepter… Dans une certaine mesure.
Le rapport à l’engagement est alors questionné. La posture des jeunes, globalement qualifiée de passive, met en difficulté la majeure partie des enseignants et managers.
Nous tentons donc de comprendre comment éveiller l’intérêt de cette génération Z afin de les engager dans un processus d’apprentissage productif.
Comme nous l’avons déjà évoqué dans notre précédent article, la notion de co-construction du cadre est un prérequis pour engager les jeunes le plus tôt possible dans nos interventions. Lorsqu’ils participent à l’élaboration du processus de travail en lui-même, ils s’y engagent plus aisément et adoptent une posture active, participative et surtout responsable.
Outre la méthode que nous détaillerons au fil de nos parutions pour appréhender la pédagogie Awayke dans son ensemble, nous nous penchons aujourd’hui sur une notion plus spécifique nous permettant d’aller plus loin dans la compréhension de cette génération : l’engagement.
Rappelons, pour commencer, que la génération Z est la première à être totalement qualifiée de « Digital Native ».
L’implication des réseaux sociaux ne peut se résumer en quelques lignes mais elle est si importante qu’elle ne peut être totalement occultée pour tenter de comprendre cette jeune génération.
Comment cette génération voit l’engagement ?
Nous connaissons déjà le temps d’écran, l’usage des réseaux sociaux, ou encore le recours à l’intelligence artificielle, mais une autre tendance du XXIe siècle a particulièrement attiré notre attention : le hashtag.
Cette pratique permet, individuellement, de prendre la parole sur un sujet et de laisser une trace publique d’une opinion. Au-delà de la possibilité de s’exprimer librement et publiquement sur des sujets, souvent controversés, sans être particulièrement experts, le hashtag implique totalement les contributeurs.
Il permet à la fois de regrouper des communautés, partageant sur le même sujet mais n’existe et ne perdure dans le temps que parce que la participationindividuelle donne un sens collectif.
Pour comprendre plus globalement cette dynamique, arrêtons nous quelques instants sur le #metoo, l’un des premiers à avoir dépassé les frontières et ouvert la voie à un ensemble de mouvements secondaires, dont le #balancetonporc en France.
Ce hashtag était destiné à dénoncer les violences sexistes et sexuelles vécues par les femmes dans le monde professionnel. Il a permis à des millions de femmes, victimes ou alliées de la cause de prendre la parole et chaque intervention individuelle a contribué à l’explosion de la tendance.
Si les hommes ont également pu relayer les informations et participer activement, leur contribution n’a été que secondaire.
Nous distinguons alors le soutien apporté à une communauté et l’incarnation de la cause.
Quel est l’impact de ce mouvement sur la société ?
Cette culture du hashtag inverse les codes des générations précédentes. Si auparavant l’identité sociale était acquise par l’implication dans certains mouvements, il est aujourd’hui opportun de constater que la cause n’existe que parce qu’elle est choisie et incarnée.
Le partage individuel prend donc tout son sens et son importance : Les jeunes font ce qu’ils sont. Cette culture, largement soutenue par le développement des réseaux sociaux est aussi à l’image d’un système politique global dit inductif.
Ce système est celui qui structure le droit américain notamment et s’oppose à la conception française du droit qui s’applique aux individus après avoir été déduit d’une décision collégiale des éminences politiques notamment.
Pour comprendre cela plus simplement, prenons comme exemple l’avortement, légalisé dans un premier temps aux Etats-Unis en 1973 par la décision Roe vs. Wade et permettant à toutes les femmes américaines de recourir à l’avortement sur l’ensemble du territoire.
En 2022, cette décision a été infirmée dans l’affaire Dobbs vs. Jackson Women’s Health Organization. Dans les deux cas, la Cour a dû se positionner sur un cas “particulier” pour en tirer des conséquences nationales et donc collectives : ceci représente un fonctionnement inductif.
En France, c’est la loi Veil, promulguée en 1975 qui permet de légaliser le recours à l’interruption volontaire de grossesse après plusieurs semaines de débats houleux à l’Assemblée nationale.
Sans s’attarder sur un cas particulier, la culture juridique française implique une réflexion générale et un débat ouvert permettant d’adopter collectivement un texte pouvant par la suite être appliqué au cas particulier : c’est un système dit déductif.
Sensibilisés, dès le plus jeune âge, à une culture sans frontière, la génération Z adhère parfois plus naturellement aux standards d’un système étranger et notamment anglophone.
Ceci se répercute et se constate tout autant dans les tendances d’intention de vote aux élections françaises. La part d’abstention chez les plus jeunes votants étant toujours plus importante et l’une des principales causes avancées étant le sentiment de n’être
« qu’un vote parmi d’autre, qui ne fera pas la différence ».
Sans entrer dans le détail de cette opposition de systèmes, l’acculturation au hashtag témoigne alors surtout d’un besoin de se sentir utile et investi dans une cause qui concerne directement les porteurs du projet.
En engageant la jeune génération sur ce qui la concerne directement, il devient beaucoup plus aisé de la faire participer à tout projet. Il est alors du devoir du pédagogue ou du manager de présenter les intérêts concrets de toute thématique afin de susciter l’engagement !
Auteur : Claire Palama